
Santé mentale et bien-être au sein de la profession
Mai 2022
Pour être honnête, de toutes les tâches que j’ai entreprises depuis que je suis devenue pharmacienne en chef à l’APhC, celle de m’occuper de la santé mentale et du bien-être de notre profession de pharmacien est la plus ardue. La santé mentale est profondément personnelle, et les solutions à nos luttes individuelles et collectives dans ce domaine, sur le plan tant personnel que professionnel, ne se trouveront pas facilement. Mon souhait le plus cher est de voir chacun et chacune de mes collègues s’épanouir, et bien que je ne possède pas toutes les réponses, j’espère pouvoir contribuer à nous rapprocher de là où nous devons être.
La culture doit changer
Au vu des résultats de notre Sondage sur la santé mentale des pharmaciens canadiens et le bien-être du personnel en pharmacie, il est évident que nous sommes en très mauvaise posture. Durant la rencontre nationale que nous avons tenue au début de mai, il est apparu clairement que, s’il est vrai que la pandémie nous a infligé un lourd tribut, la situation actuelle est beaucoup plus complexe, et bon nombre des problèmes soulevés existaient bien avant l’apparition de la COVID-19.
Parmi les thèmes émergents que j’ai notés, il y a cette idée qu’en tant que pharmaciens, nous consacrons beaucoup de temps et d’effort pour prendre soin de nos patients, mais nous négligeons de nous accorder le même niveau de soin et d’attention. Le fait de ne pas prendre de pauses, de vacances ou de congés de maladie ne devrait pas être vu comme un signe de force ou de noblesse. Nous devons examiner de plus près notre culture de la pharmacie et nous demander : à qui sert réellement cette abnégation de soi dont nous faisons preuve? Les risques pour la santé en valent-ils la peine?
Permettre à notre personnel d’être entièrement présent, en bonne santé, bien sustenté et reposé doit être une priorité. Lorsque nous nous présentons sous notre meilleur jour, le soutien et les soins que nous prodiguons à nos patients s’améliorent et, par conséquent, la santé de nos collectivités aussi.
Vers l’autogestion de la santé et l’atteinte d’un équilibre
Que fait-on alors pour changer nos mentalités? À l’évidence, cela exigera un engagement collectif en faveur de l’autogestion de la santé. Nous devons veiller à ce que nous tous adhérions à cet engagement. Prendre soin de sa propre santé mentale et de son bien-être exige un effort constant, tout comme veiller à sa santé physique. La clé, c’est d’être attentif à ce qui NOUS procure du bonheur et de ne pas trop se préoccuper de ce que font les autres. Dans les faits, la route vers une bonne santé mentale et physique sera différente d’une personne à l’autre. Elle pourrait même, pour chacun d’entre nous, changer au jour le jour. À titre d’exemple, ma route personnelle pourrait inclure écouter du jazz, prendre un repas en famille ou lire quelques pages d’un bon livre avant d’aller au lit. Elle pourrait également m’amener à essayer quelque chose de nouveau. D’ailleurs, pour la saison en cours de Top Chef, j’ai parié avec un groupe d’amis sur l’issue du concours et cela me force à regarder la télévision. J’attends maintenant ce moment avec impatience chaque jeudi. Sans cet engagement envers le groupe – et mon souhait évident de l’emporter sur mon mari –, je n’aurais probablement pas pris le temps chaque semaine de décompresser en regardant cette émission.
Pour ce qui est de l’équilibre, c’est un concept que j’essaie encore d’apprivoiser. La situation qu’on vit et nos priorités étant en constante évolution, l’équilibre signifie pour moi le fait d’être à l’aise avec l’ampleur des efforts qu’on déploie et ce qu’on en retire. Prendre de telles décisions n’a rien de facile, mais elles demeurent des choix, et c’est vous qui en êtes les maîtres. Parfois on prend les bonnes décisions, mais parfois on se trompe.
Un changement systémique s’impose
Je tiens à préciser que l’épuisement professionnel n’est pas un problème qui relève de l’autogestion de la santé – il faut que les organisations dans lesquelles nous travaillons et fonctionnons changent pour pouvoir favoriser notre mieux-être. Tout au long de la pandémie, nous avons applaudi la résilience et la ténacité de nos professionnels des soins de santé, mais peut-être doit-on maintenant se pencher sur les systèmes qui nous ont laissés vulnérables au stress et à l’épuisement.
Il y a de nombreuses causes sous-jacentes, et nous devons les examiner de plus près dans le cadre de notre stratégie. La rencontre nationale n’avait pas comme objectif d’offrir des conseils ou des solutions; elle visait à mettre en évidence et à explorer certains des problèmes et des défis qui, nous le savons, existent. Nous n’avons jamais fourni l’occasion aux professionnels de la pharmacie de parler de leur vécu, et c’est en plein le vide que nous essayons de combler. En cette phase initiale de notre Initiative sur le bien-être en pharmacie, nous tâchons d’être à l’écoute de notre communauté de pharmaciens et de décortiquer toutes leurs préoccupations d’une manière réfléchie. Nous en sommes à l’étape de la collecte de renseignements, et je tiens à remercier toutes les personnes qui jusqu’à présent ont bien voulu nous faire part de leurs réflexions.
Il est évident, à la lecture de tous les commentaires que nous avons reçus, que la santé et le bien-être de nos effectifs en pharmacie ont atteint un point de rupture. Nous pouvons faire mieux. Nous devons faire mieux. Notre sondage jette les bases d’une conversation devenue indispensable. Le fait de savoir qu’un si grand nombre de mes collègues assument un tel fardeau pèse lourd sur mon esprit et mon cœur, mais en même temps, cela me donne la force et la motivation nécessaires pour entamer les conversations difficiles qui s’imposent pour susciter un changement.
Unir nos forces
Il faudra du temps pour trouver notre voie. Et pendant que nous tentons de relever ce défi, nous devons faire attention à nous. Je vous en prie, prenez le temps de vous arrêter et de faire le point sur votre propre situation. Demandez de l’aide. Parlez à un professionnel. Constituez-vous un réseau de soutien composé de pairs, de membres de la famille et d’amis qui vous aideront à traverser les moments difficiles. Ne restez pas isolés et tirez parti de la force et de l’énergie qui se dégagent de l’union. Il est difficile d’applaudir avec une seule main. Quand nous joignons nos mains, nous trouvons le soutien dont nous avons besoin pour continuer d’aller de l’avant.
Si vous souhaitez vous joindre à la communauté des champions du mieux-être de l’APhC, faites-nous signe! Nous serons heureux de vous compter parmi nous. Je vous encourage à consulter notre site Web pour en apprendre davantage sur notre plan d’action, y compris la discussion entre experts prévue dans le cadre de notre congrès à venir et la formation d’un comité directeur et d’un groupe de travail qui veilleront à faire en sorte qu’à mesure que nous progresserons, nous demeurerons informés et guidés par la profession.
Portez-vous bien!
