Diversité, inclusion, alliance et désapprentissage
Février 2022
Depuis mon arrivée à l’APhC, j’ai eu le privilège de tisser des liens avec des pharmaciens de partout au Canada. Chacun d’eux m’a fait part de son expérience avec franchise, qu’elle soit bonne, mauvaise ou parfois même laide. Ce mois-ci, j’ai eu l’occasion de rencontrer des pharmaciens issus des diverses origines qui composent notre profession. J’ai parlé à des pharmaciens noirs, des diplômés en pharmacie internationaux, des membres de la communauté LGBTQ2S+ et des pharmaciens ayant un handicap, et ces discussions m’ont ouvert les yeux à bien des égards. Au fil des conversations, j’ai réalisé toute l’ampleur de mon ignorance. Si utiles soient les formations sur la diversité, l’équité et l’inclusion que vous suivez, rien ne vous prépare véritablement à entendre les expériences incroyables vécues par vos collègues. Le fait est que la discrimination, le racisme et l’injustice font partie de notre monde, que nous choisissions de le voir ou non.
La semaine dernière encore j’ai parlé à une pharmacienne aux prises avec des problèmes auditifs. Ce qu’elle a vécu en tant qu’étudiante et maintenant en tant que pharmacienne essayant d’exercer dans un monde qui n’est pas conçu pour la soutenir ou l’inclure est bouleversant. Elle s’affère maintenant à trouver des solutions pour que les autres ne se retrouvent pas dans la même situation. J’ai aussi parlé à une diplômée en pharmacie internationale qui a mis à profit son intérêt pour la technologie pour créer sa propre entreprise, qui permet maintenant à ses pairs d’accéder à des ressources en ligne pour les aider à faire avancer leur carrière au Canada. J’ai également rencontré un pharmacien qui se sert de ses propres expériences et de sa vulnérabilité pour inspirer ses étudiants ayant des identités sexuelles variées et les inciter à faire preuve d’authenticité et à devenir des professionnels de la santé accomplis et épanouis.
En m’investissant dans cet exercice et en repensant à ces personnes, j’ai été amenée à réfléchir à mes propres privilèges et à chercher des manières de les utiliser au profit des autres. Je me suis demandé : à quoi ressemble un véritable allié? En tant que femme instruite au Canada, anglophone, cisgenre et dont le nom est facile à prononcer, je sais que j’ai une longueur d’avance sur bien d’autres. C’est pourquoi je m’engage à promouvoir l’équité en pharmacie, non pas en tenant de beaux discours ou en posant des gestes symboliques, mais bien en étant animée par de véritables convictions et en posant des gestes concrets. Cet exercice demandera certainement du courage et de l’humilité, mais également une volonté d’avoir des conversations difficiles, et je suis prête à ça.
Dans cet esprit, et à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, je souhaite partager avec vous quelques conseils de nos collègues pharmaciens noirs du Canada sur ce que nous pouvons faire pour devenir des alliés de la communauté noire :
- Pour être un allié des pharmaciens noirs, nous devons d’abord reconnaître que les systèmes dans lesquels nous travaillons, vivons et existons sont imprégnés de racisme.
- Le racisme est souvent subtil. Il nous arrive de dire ou de faire des choses qui nous semblent innocentes à première vue, mais qui ont des sous-entendus racistes. La conscience de soi est primordiale. Les microagressions peuvent créer des environnements hostiles qui ne sont pas sûrs ou agréables pour les personnes noires. Nous ferons tous des erreurs. Cela fait partie du processus de désapprentissage.
- Le fait de « ne pas être raciste » ne suffit pas, il faut travailler activement à être antiraciste. Ne pas être raciste c’est comme regarder quelqu’un se faire voler et s’attribuer le mérite de ne pas être le voleur, plutôt que d’essayer activement d’aider la personne qui se fait voler. Réfléchissons à cela.
- La compétence culturelle n’est pas l’objectif ultime. Elle n’est qu’une infime partie de ce que signifie être un allié. Cet apprentissage s’inscrit dans un long continuum — nous sommes continuellement en train d’apprendre et de désapprendre. Pour être un allié, il faut être conscient que ce type d’apprentissage dure toute la vie.
- Un véritable allié prend l’initiative de faire ses propres recherches et de s’informer sur les événements et les expériences de la communauté noire. Ce faisant, il enlève le fardeau de l’éducation des épaules des personnes confrontées à l’injustice et prend en charge sa propre capacité à remédier à toute ignorance qu’il pourrait avoir.
- Dire « je suis un allié » et placer un carré noir et un hashtag sur les médias sociaux lorsqu’ils sont tendance, tout en restant muet sur ces plateformes ne suffit pas. Nous vivons à une époque où l’accès aux nouvelles et à l’information est facile, car les médias sociaux relaient beaucoup d’informations sur les problèmes auxquels de nombreux groupes sont confrontés. Un véritable allié a donc cette capacité de s’informer et de réfléchir de manière critique aux informations qu’il trouve. Il cherche aussi à s’engager à long terme plutôt que de se limiter à relayer des citations en apparence inspirantes, mais qui dans les faits portent peu ou pas à réflexion.
En tant qu’association, l’APhC doit pleinement endosser son rôle d’alliée. Nous savons qu’il y a un manque criant de diversité dans l’information sur la santé et les références médicales et que ce manque peut entraîner des inégalités dans les soins aux patients et dans la façon dont les patients sont traités. Nous travaillons d’arrache-pied pour corriger cette situation. Dans cet esprit, nous avons procédé à un examen approfondi et à une mise à jour du contenu, des images et du langage utilisés dans les documents de référence que nous publions, afin de nous assurer que les images et le libellé utilisés sont inclusifs et représentent la diversité de nos patients. Il s’agit certes d’un petit pas, mais d’un pas important dans notre engagement continu à soutenir les pharmaciens que nous représentons ainsi que chaque patient qu’ils servent.
Dans ma lettre ouverte à la profession de novembre dernier, je me suis dûment engagée à faire en sorte que vos voix soient sollicitées, entendues et largement diffusées. Au cours des prochains mois, je partagerai avec vous l’histoire de nombreux pharmaciens avec qui je me suis entretenue, afin que vous puissiez vous aussi apprendre et, dans certains cas, reconnaître la nécessité de désapprendre avec moi. C’est un sujet dérangeant — et très franchement, c’est ainsi qu’il doit être.
C’est en sortant de notre zone de confort que nous grandissons et nous nous développons en tant qu’individus. J’invite chacun de vous à se lancer et à saisir l’occasion d’aborder de front ce sujet très sensible. Lorsque nous nous attaquons à des questions telles que les privilèges, les préjugés inconscients, l’intersectionnalité, le sexisme, l’âgisme, etc., nous pavons la voie vers des environnements de travail sûrs et inclusifs, et c’est ce que nous méritons tous. Plus nous nous engageons à faire preuve d’ouverture d’esprit et à nous sensibiliser aux disparités existantes, plus nous serons en mesure de nous soutenir mutuellement en tant que collègues et d’éliminer les obstacles qui nous empêchent d’offrir les meilleurs soins qui soient aux diverses populations de patients du Canada.