Canadian Pharmacists Association
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Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Valerie Leung

Valerie Leung


Valerie Leung, BScPhm, ACPR, MBA (elle/elle)
Responsable du programme de gestion des antimicrobiens, Résistance aux antimicrobiens et gestion des antimicrobiens
Santé publique Ontario
Toronto (ON)

Valerie Leung est responsable du programme de gestion des antimicrobiens dans l’équipe chargée de la résistance aux antimicrobiens (RAM) et de la gestion des antimicrobiens à Santé publique Ontario (SPO). Son équipe se concentre surtout sur l’application des connaissances et la production de nouvelles données scientifiques dans le domaine de la gestion des antimicrobiens et sur le renforcement de l’infrastructure et des capacités de surveillance de la RAM. Mme Leung a pour rôle d’aligner les nombreuses activités de l’équipe sur un programme principal plus vaste qui vise à réduire l’émergence, la prolifération et les effets négatifs des organismes favorisant la RAM. Mme Leung exerce également à l’hôpital Michael Garron de Toronto comme pharmacienne clinicienne et elle y soutient également des initiatives locales d’amélioration de la qualité.

Questions et réponses

À l'approche de la Semaine mondiale de sensibilisation aux antimicrobiens, nous avons rencontré Valerie pour parler de la résistance aux antimicrobiens et de la manière dont nous pouvons tous contribuer à lutter contre ce problème mondial croissant.

Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens (RAM) et pourquoi est-ce un enjeu aussi crucial?

L’émergence et la propagation d’agents pathogènes résistants aux médicaments, combinées à l’absence de développement de nouveaux antimicrobiens, ont de graves conséquences, dont notre incapacité de prévenir et de traiter des infections courantes qui entraînent des infections plus graves et plus difficiles à traiter. En 2021, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que la résistance aux antimicrobiens (RAM) fait partie des 10 plus grandes menaces pour la santé publique auxquelles fait face l’humanité, avec des conséquences très réelles à l’échelle mondiale et au Canada. Dans son rapport intitulé « Quand les antibiotiques échouent », le Conseil des académies canadiennes estime qu’en 2018, plus du quart des infections bactériennes étaient résistantes à un antibiotique de première ligne. Ce même rapport estime à 14 000 le nombre de décès au Canada liés à des infections résistantes. La RAM est un problème complexe auquel il faut s’attaquer collectivement. Le Plan d’action pancanadien sur la résistance aux antimicrobiens AMR comprend cinq piliers d’action à cet égard : intendance, recherche et  innovation, surveillance, leadership, et prévention et contrôle des infections.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir spécialiste de la résistance aux antimicrobiens et de la gestion des antimicrobiens?

Je qualifierais mon parcours professionnel de plutôt non traditionnel. J’ai commencé comme pharmacienne en milieu hospitalier dans les soins d’urgence et les soins intensifs, où je me suis intéressée aux maladies infectieuses. Ensuite, à peu près au moment où les programmes de gestion des antimicrobiens dans les hôpitaux sont devenus une pratique organisationnelle requise d’Agrément Canada, j’ai participé à la mise en œuvre d’un programme local du point de vue de la gestion pharmaceutique. Après cela, j’ai travaillé dans le secteur des technologies de l'information sur la santé, où j’ai contribué à promouvoir l’utilisation de solutions numériques pour améliorer la santé des Canadiens, y compris du point de vue de la santé publique. Cela m’a menée à mon poste actuel à SPO qui nécessite des compétences en la matière, mais aussi des compétences telles que la réflexion concertée et stratégique pour faire avancer le programme de gestion des antimicrobiens dans la province et au-delà.

Qu’est-ce qui fait des pharmaciens des partenaires idéaux dans la lutte contre la RAM?

Dans tout cadre, les pharmaciens sont considérés comme des membres essentiels des programmes officiels de gestion des antimicrobiens lorsqu’il en existe. Par ailleurs, l’évolution du champ de prescription par les pharmaciens au Canada représente une immense occasion de faire bouger les choses. Un des principaux facteurs de la RAM est l’utilisation d'antimicrobiens, en particulier la surconsommation d'antibiotiques, souvent due à des prescriptions inutiles ou inappropriées. Il s’agit notamment de la prescription d’antibiotiques pour des affections qui n'en nécessitent pas  (comme les infections virales) ou d’antibiotiques prescrits plus longtemps que nécessaire pour des infections non compliquées. Les études nous disent que lorsque les pharmaciens communautaires prescrivent des antibiotiques, ils le font de manière appropriée et qu’ils aident aussi à moins prescrire d’antibiotiques inutilement.

Quel rôle les pharmaciens peuvent-ils jouer dans la sensibilisation des patients aux dangers de la RAM?

Dans le passé, on pensait qu’arrêter prématurément les antibiotiques causerait une résistance bactérienne. Cependant, on sait à présent que c’est, en fait, l’exposition prolongée aux antibiotiques qui entraîne la pression sélective à l’origine de la RAM. Autrement dit, des souches résistantes dans la flore normale d’une personne ou des bactéries acquises peuvent se développer après un traitement antibiotique prolongé. Concrètement, les pharmaciens peuvent conseiller aux patients d’éviter de garder des antibiotiques restants pour une consommation ultérieure, d’éviter de partager des antibiotiques et de rapporter les antibiotiques à la pharmacie pour leur élimination appropriée.

Avez-vous des conseils sur la mise en œuvre par les équipes de pharmacie de programmes de gestion des antimicrobiens ou de processus dans leurs pharmacies pour aider à lutter contre la RAM?

Pour les pharmaciens qui travaillent dans des centres de soins primaires, je pense que La trousse de Bonnes pratiques de Choisir avec soin Canada est un très bon point de départ. Les pharmaciens communautaires sont occupés et la trousse contient des affiches d’information des patients qui peuvent être utilisées passivement. Il y a aussi de bonnes recommandations sur la durée des traitements antibiotiques pour des infections des voies respiratoires supérieures qui peuvent être utiles dans l’évaluation de la pertinence de prescriptions.

Qu’est-ce qui vous rend fière d’être pharmacienne?

Les pharmaciens résolvent des problèmes, ont un esprit critique et, enfin, ils agissent! Je suis fière de la résilience démontrée par les pharmaciens pendant la pandémie. Je crois qu’elle nous a permis de mieux nous faire connaître dans le domaine de la santé publique et qu’il se présentera plus de possibilités de travailler en synergie avec d’autres pour améliorer la santé de la population.