Canadian Pharmacists Association
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Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Bradley Langford

Bradley Langford


Bradley J. Langford, BScPhm, ACPR, PharmD (il/lui)
Pharmacien spécialiste,  Résistance aux antimicrobiens et gestion des antimicrobiens
Santé publique Ontario
Toronto (ON)
 

Bradley Langford est pharmacien spécialiste dans l’équipe chargée de la résistance aux antimicrobiens (RAM) et de la gestion des antimicrobiens à Santé publique Ontario (SPO). Son équipe cherche à atténuer la menace croissante pour la santé publique que représente la RAM dans tous les milieux de soins de santé dans la province. On attend d’elle un leadership en pratiques exemplaires en matière de gestion des antimicrobiens, et elle doit faire de la recherche et surveiller l’utilisation des antimicrobiens et la résistance dans la province, et créer des ressources et des outils pour aider dans la gestion des antimicrobiens dans l’ensemble des milieux de pratique.

M. Langford travaille également à temps partiel au Shaver Health and Rehabilitation Centre de l’Hôtel Dieu à St. Catharines (Ontario), où il appuie le programme de gestion des antimicrobiens de l’hôpital dans la définition, l’application et l’évaluation de lignes directrices et de normes pour la prescription d’antimicrobiens, ainsi que l’éducation du personnel et des patients à l’utilisation optimale des antibiotiques, afin d’en améliorer l’efficacité et l’innocuité.

Questions et réponses

À l'approche de la Semaine mondiale de sensibilisation aux antimicrobiens, nous avons rencontré Bradley pour parler de la résistance aux antimicrobiens et de la manière dont nous pouvons tous contribuer à lutter contre ce problème mondial croissant.

Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens (RAM) et pourquoi est-ce un enjeu aussi crucial?

Il ne fait aucun doute que les antibiotiques et autres antimicrobiens sont des éléments essentiels d’un système de santé fonctionnel. Sans antibiotiques efficaces, il y a un risque accru de décès et des coûts pour le système de santé et la société. Cependant, la surutilisation peut avoir des effets dévastateurs et entraîner une RAM, ce qui arrive quand les microbes, par exemple des bactéries, développent des moyens de résister aux effets de médicaments antimicrobiens, ce qui rend les infections plus difficiles à traiter et à prévenir. En fait, d’après un récent rapport canadien, la RAM coûte la vie à environ 15 Canadiens par jour et 2 milliards de dollars de PIB par an. Ces chiffres augmenteront considérablement si nous n’agissons pas suffisamment pour atténuer cette menace. L’utilisation d’antimicrobiens est le principal facteur de RAM, et la moitié des prescriptions sont inutiles. Donc, en trouvant des moyens de les utiliser plus judicieusement – c’est ce que l’on appelle la gestion des antimicrobiens –, on peut contribuer à éviter une aggravation de la RAM. D’après le récent Plan d’action pancanadien sur la résistance aux antimicrobiens AMR, la gestion des antimicrobiens est un des principaux piliers d’action nécessaires pour lutter contre la RAM. Ce plan national mentionne que les pharmaciens sont des membres importants de l’équipe pour arrêter la RAM.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir spécialiste de la résistance aux antimicrobiens et de la gestion des antimicrobiens?

Bien que les interactions individuelles avec les patients soient gratifiantes, j'ai toujours été intéressé par les interventions au niveau de la population – les stratégies qui profitent à plus d’un patient à la fois. J’ai travaillé en milieu hospitalier pendant plus de 10 ans à mettre en œuvre des stratégies pour améliorer la gestion des antimicrobiens, comme l’audit prospectif et la rétroaction, le suivi et les rapports sur l’utilisation des antimicrobiens et la RAM, et l’élaboration de politiques et de procédures visant à favoriser une prescription plus rationnelle des antibiotiques. Souhaitant soutenir la gestion des antimicrobiens au niveau de la population, j’ai pris mon poste actuel à SPO, où nous cherchons à améliorer la gestion des antimicrobiens pour une population bien plus nombreuse de plus de 14 millions d’Ontariens.

Qu’est-ce qui fait des pharmaciens des partenaires idéaux dans la lutte contre la RAM?

Les pharmaciens, spécialistes des médicaments, sont des membres essentiels de l’équipe pour améliorer la qualité et l’innocuité de l’utilisation des antibiotiques. Ils font aussi partie des professionnels de la santé les plus accessibles et les plus fiables, ce qui en fait le premier point de contact de nombreux patients quand ils soupçonnent une infection. Et les pharmaciens sont déjà des partenaires clés dans la lutte contre la RAM par leur participation aux programmes de vaccination (les vaccins réduisent le risque d’infections qui peuvent entraîner une résistance aux médicaments) et à la prescription pour des affections mineures (en prescrivant des antimicrobiens selon des lignes directrices s’appuyant sur des pratiques exemplaires).

Quel rôle les pharmaciens peuvent-ils jouer dans la sensibilisation des patients aux dangers de la RAM?

Les antimicrobiens sauvent des millions de vies en traitant et en prévenant des infections, mais les professionnels de la santé et les patients ont tendance à surestimer les avantages et à sous-estimer les risques, ce qui fait que, souvent, les antimicrobiens sont utilisés « au cas où » ou bien dans des situations où ils ne présentent aucun intérêt (p. ex. dans les infections généralement causées par des virus, comme la bronchite ou le rhume). Les pharmaciens jouent un rôle important dans le recalibrage de l’évaluation du risque par rapport à l’avantage dans l’utilisation d’antibiotiques. Il ressort d’une récente recherche sur l’opinion publique réalisée par l’Agence de la santé publique du Canada que 28 % des patients croient que les antibiotiques sont efficaces contre le rhume et la grippe. Les pharmaciens peuvent aider les patients à comprendre à la fois le manque d’intérêt et les risques d’une prescription inutile, y compris les effets secondaires, une infection à C. difficile et la RAM, qui peuvent rendre des infections futures plus difficiles à traiter.

Avez-vous des conseils sur la mise en œuvre par les équipes de pharmacie de programmes de gestion des antimicrobiens ou de processus dans leurs pharmacies pour aider à lutter contre la RAM?

Il existe un nombre croissant de stratégies qui peuvent être utilisées dans la collectivité pour soutenir la gestion des antimicrobiens. Le site Web de Santé publique Ontario souligne sept stratégies fondées sur des données probantes pour la gestion des antimicrobiens dans les soins primaires. Les pharmaciens peuvent notamment aider en faisant participer les patients aux décisions, afin qu’ils comprennent mieux à la fois les avantages et les risques des antibiotiques, en encourageant d’autres prescripteurs à inclure une raison à la prescription d’antimicrobiens, et en éduquant les prescripteurs sur les principes et les outils de la gestion des antimicrobiens. Nous avons également constaté dans notre recherche que les prescripteurs sont très réceptifs lorsque les pharmaciens suggèrent de raccourcir des traitements antibiotiques inutilement longs. Des traitements plus courts, fondés sur des données probantes, présentent moins de risques d’effets secondaires et de RAM. Il y a encore beaucoup à apprendre sur ce que peuvent faire les pharmaciens pour promouvoir la gestion des antimicrobiens. Nous sommes impatients de découvrir ces possibilités et d’entendre parler des réussites d’autres pharmaciens.

Qu’est-ce qui vous rend fier d’être pharmacien?

Les pharmaciens jouent un rôle de plus en plus important dans le système de santé et nos compétences sont de plus en plus reconnues dans la collectivité, en milieu hospitalier, par le gouvernement et par l’industrie. Je suis particulièrement fier du nouveau rôle des pharmaciens dans la santé publique. Je pense que ce rôle ne fera que croître à mesure que nous planifierons la prévention des pandémies et la réponse à de futures pandémies.