Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Susie Jin
Susie Jin, RPh, EAD, CRE (elle/sa)
Pharmacienne
Cobourg, Ont.
Susie Jin est pharmacienne communautaire, Éducatrice agréée en diabète (EAD), professionnelle certifiée en compressothérapie et éducatrice respiratoire certifiée (CRE). Elle siège dans plusieurs comités de Diabète Canada; elle est notamment auteure de chapitre et membre du Comité de diffusion et de mise en œuvre pour les Lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada, membre bénévole du comité éditorial du Diabetes Communicator et co-présidente au congrès professionnel de Diabète Canada et de la Société canadienne d’endocrinologie et de métabolisme. À l’échelle provinciale et nationale, elle est notamment membre du conseil d’administration de Wounds Canada, co-auteure d’articles de recommandations sur les pratiques exemplaires publiés par Wounds Canada, et membre du Comité consultatif ontarien de l’immunisation.
Susie adore collaborer avec ses collègues et les personnes dont elle s’occupe, comme le prouvent les prestigieux prix nationaux qu’elle a reçus : le prix Charles H. Best en 2020 décerné par Diabète Canada en récompense de sa remarquable contribution à l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de diabète dans tout le Canada et, en 2021, le prix de l’éducatrice en diabète de l’année décerné par Diabète Canada.
Questions et réponses
En prélude au Mois de la sensibilisation du diabète, nous nous sommes entretenus avec Susie pour parler du rôle des pharmaciens dans les soins du diabète.
Quelle est la première chose qu’un pharmacien peut faire pour aider ses patients à gérer le diabète?
Il est difficile de ne choisir qu’une seule chose, car les pharmaciens ont de nombreuses occasions d’améliorer les résultats cliniques des personnes diabétiques, que ce soit repérer les personnes à risque et mettre en œuvre des mesures de prévention précoces, faciliter les soins fournis aux personnes diabétiques et réduire ainsi les risques de complications dues au diabète, ou encore aider ces personnes à gérer harmonieusement d’autres facettes de leur vie en dehors du diabète. Cependant, si je ne devais choisir qu’une seule chose, je dirais qu’il faut être du côté des personnes diabétiques. Pour cela, il faut écouter les gens et comprendre ce dont ils ont besoin afin de les aider à obtenir de meilleurs résultats en matière de santé. Cela nécessite de partager la prise de décisions et d’encourager l’autogestion afin de permettre aux gens de faire des choix éclairés, tout en améliorant l’accès à des soins équitables.
Pourquoi est-il important que les pharmaciens participent à la gestion de cette maladie? Quel rôle les pharmaciens peuvent-ils jouer pour aider les patients souffrant de diabète?
Hélas, la raison pour laquelle il est si important que les pharmaciens participent à cette gestion est que le BESOIN est immense. Les personnes diabétiques ont BESOIN (et méritent) d’avoir de meilleurs soins, et le système de santé lui-même a besoin que l’on s’occupe de lui. En plus de 25 ans de carrière, j’ai travaillé dans divers milieux de soins de santé, notamment dans un hôpital local (programme d’éducation en matière de diabète), un centre de santé communautaire (programme d’éducation en matière de diabète), des cabinets de médecins de famille et ma pharmacie communautaire. J’ai remarqué qu’alors que je proposais le même niveau de soins dans chacun de ces milieux, quand je rencontrais les gens dans ma pharmacie communautaire, ils étaient généralement plus intéressés par ce que je pouvais leur apprendre. Autrement dit, les gens étaient souvent plus disposés à changer (c.-à-d. au lieu d’être dans la précontemplation ou la contemplation, ils étaient dans la préparation ou l’action), ce qui rendait le temps que je leur consacrais plus efficace en termes d’amélioration des résultats en matière de santé. Je crois que cela vient du fait que la nature inhérente de la relation qui unit un pharmacien communautaire et un patient sous-entend que ce patient a la possibilité de choisir son pharmacien communautaire. Ce droit de choisir donne au patient un sentiment de maîtrise, et il se peut que ce sentiment lui confère plus d’autonomie et une plus forte volonté de participer à ses propres soins. D’après mon expérience, le temps que je consacre lors de nos interactions dans ma pharmacie communautaire à aider un patient à se prendre en charge est bien employé.
Pouvez-vous décrire une situation qui vous rend particulièrement fière de ce que vous faites?
Comme l’ensemble de mes collègues pharmaciens, j’ai la chance d’aider les gens de ma collectivité et de contribuer significativement à l’amélioration des résultats en matière de santé, généralement en participant aux soins grâce à un plan de gestion. Cependant, les quelques situations qui m’ont rendue particulièrement fière sont celles dans lesquelles j’ai aidé des gens à améliorer leurs résultats en matière de santé grâce au tableau intitulé « Cibles de contrôle glycémique », qui se trouve à la page 2 du Guide de référence sur les Lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada. Chacune des situations particulières concernait une personne âgée modérément « frêle » et ayant un A1C stable d’environ 7,8 %. D’après le tableau du Guide, pour une personne frêle, un A1C de 7,8 % est relativement acceptable. Cependant, ce même tableau indique que si nous pouvons maintenir le risque d’hypoglycémie de la personne à un niveau faible (voire nul), un A1C inférieur ou égal à 6,5 % pourrait réduire le risque d’insuffisance rénale chronique, qui est une comorbidité assez courante chez les personnes âgées. J’ai donc pris l’initiative de faire participer la personne âgée, son aidant proche, ou les deux, à une prise de décision partagée et éclairée. J’ai parlé de la possibilité de réduire le risque d’insuffisance rénale (qui peut nécessiter une dialyse rénale, ou provoquer une aggravation de la fragilité, voire le décès), ainsi que d’autres complications dues au diabète en abaissant leur A1C, tout en maintenant le risque d’hypoglycémie à un niveau faible, et en prenant un traitement cardiorénal. Cette situation me rend particulièrement fière, car au lieu de me contenter de suivre un plan médical préétabli, j’ai fait participer la personne âgée et élaboré un plan de gestion sûr pour cette personne tout en améliorant ses résultats cliniques. Puis, j’ai collaboré avec l’équipe de santé de cette personne afin de mettre en œuvre et de surveiller le plan de soins en matière de diabète.
Comment avez-vous développé votre façon de travailler?
J’ai constaté que, quand je communiquais efficacement (p. ex. envoi de télécopies) avec tous les membres de l’équipe de soins en matière de diabète d’un patient, ceux-ci m’étaient reconnaissants de mes efforts, que leur confiance dans mon travail grandissait, et que le bouche-à-oreille se mettait en route. Les télécopies devaient être concises (1 à 2 pages maximum). Quand je faisais un simple résumé de mes activités, j’écrivais en haut de la télécopie « Pour information seulement, pas de mesure requise »; par contre, si j’avais besoin de leur avis, j’entourais sur la télécopie le mot « demande » en écrivant clairement ce que je voulais. Il m’arrivait aussi de demander au patient : « Qui fait partie de votre équipe de soins en matière de diabète? » ou « Quand avez-vous discuté pour la dernière fois avec un membre du programme d’éducation en matière de diabète ou un autre spécialiste? ». Ensuite, avec le consentement du patient, j’envoyais la télécopie à tous les membres actifs et concernés de son équipe de soins en matière de diabète. Je numérisais le document pour le placer dans le dossier du patient à la pharmacie et, n’ayant plus besoin de l’original, je le donnais au patient pour ses archives afin de le faire participer à ses propres soins et de lui confier une responsabilité concernant son suivi.
Avez-vous des conseils à donner à un pharmacien qui souhaite développer ses activités dans le domaine du diabète?
Deux choses : premièrement, forte de mes plus de 25 ans de pratique pharmaceutique et de soutien actif aux personnes diabétiques, je crois que le meilleur conseil que je puisse donner à mes collègues est de ne pas perdre leur temps à essayer d’aider quelqu’un en voulant faire les choses à leur manière à eux. Ils doivent veiller à ce que leurs actes correspondent à ce que veut le patient et à ce dont il a besoin en matière de soins de santé.
Deuxièmement, pour pouvoir proposer les soins que vous souhaitez, vous devez fonctionner de manière méthodique et efficace. Organisez votre équipe. Le personnel de votre officine peut expliquer aux gens ce qu’un pharmacien peut faire pour les aider. Il peut planifier les rendez-vous avec les personnes qui veulent rencontrer un pharmacien en choisissant par exemple le moment où les effectifs sont suffisants; de leur côté, les techniciens en pharmacie peuvent expliquer aux patients le fonctionnement d’appareils comme le capteur de glucose ou le stylo-injecteur d’insuline.
Si un pharmacien lisant cet article souhaite proposer davantage de services liés au diabète, par quoi lui conseilleriez-vous de commencer?
Faites d’abord le point sur la situation en recensant les patients qui sont venus chercher leur prescription de sulfonylurée (gliclazide, glyburide, etc.) ou d’inhibiteur de la DPP-4 (linagliptine, saxagliptine, sitagliptine, etc.) au cours des trois mois précédents. Demandez à votre personnel d’officine de téléphoner à ces patients pour leur dire : « Nous développons continuellement nos connaissances sur la gestion du diabète, et nous avons peut-être trouvé de meilleures solutions que vos médicaments actuels. Souhaitez-vous prendre rendez-vous avec notre pharmacien, qui examinera avec vous vos médicaments, vos analyses sanguines récentes et les soins généraux que vous recevez pour votre diabète? » Puis, au cours de l’entretien, évaluez les objectifs de santé du patient, et déterminez s’il serait bénéfique pour lui d’arrêter la sulfonylurée ou l’inhibiteur de la DPP-4 et d’y substituer un agoniste du récepteur du GLP-1 ou un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2, en adoptant un mode de vie plus sain. Cela pourrait mieux protéger la santé cardiorénale de certains patients, favoriser l’atteinte de leurs cibles de contrôle glycémique et les aider à gérer ou réduire leur poids. Avec le consentement du patient, envoyez aux membres de son équipe de santé une télécopie indiquant votre recommandation, et veillez à assurer le suivi des soins. En proposant ce type de services, non seulement vous améliorerez les résultats en matière de santé des personnes diabétiques, mais vous permettrez également au système de santé de faire des économies car vous encouragerez les comportements propices à la santé, vous réduirez les cas d’hypoglycémie et vous choisirez des médicaments favorisant la perte de poids et ayant un effet hypoglycémiant.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
N’ayez pas peur de vous investir et d’agir. Apprenez et développez votre capacité à prendre soin de vos patients en vous souciant véritablement d’eux. Chaque fois que j’ai fait quelque chose de nouveau, comme lorsque j’ai dû m’occuper de mon tout premier patient qui devait commencer l’insuline, j’ai dit à la personne : « C’est la première fois que je fais cela, cela ne vous dérange pas que je vous aide, ou préférez-vous aller dans une clinique du diabète? » Je l’ai remerciée pour sa confiance et tout s’est si bien passé que la personne m’a raconté sa vie et que nous avons pu apprendre l’une de l’autre, et progresser ensemble.
REMARQUE : Ce document n’est fourni qu’à des fins indicatives et éducatives et ne vise pas à se substituer à l’avis médical, au diagnostic ou au traitement fournis par un professionnel. Veuillez consulter un professionnel des soins de santé en qui vous avez confiance si vous avez des questions ou des préoccupations.