Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Jaelee Guenther
Jaelee Guenther, BSP, BCGP (Elle)
Gestionnaire de pharmacie / exploitante de magasin, Jae’s Pharmacy, Shaunavon (Sask.)
Chair, Long-Term Care Ambassador Group for Neighbourly Pharmacy
Jaelee Guenther, qui a grandi dans une région rurale de la Saskatchewan, a été témoin des difficultés rencontrées par de nombreux patients pour accéder aux services de santé. À l’université, elle s’est promis de faciliter l’accès aux soins de santé dans les localités rurales et mal desservies. Elle a développé le concept de sa propre pharmacie dans le cadre du concours de plans d’affaires de pharmacie de l’Université de la Saskatchewan. Elle a ouvert Jae’s Pharmacy dans sa ville de Shaunavon (Saskatchewan) en 2012, un an avant la remise des diplômes de l’Université de la Saskatchewan. Dans l’exercice de la pharmacie, elle s’attache à faire partie intégrante de l’équipe de soins de santé primaires. L’adoption d’un modèle de pharmacie reposant sur des rendez-vous lui permet de travailler dans son champ d’exercice complet, qu’il s’agisse d’examiner les médications en milieu communautaire, d’offrir des services d’injection ou de faire la tournée de trois établissements de soins de longue durée locaux. Mme Guenther a également mis sur pied un programme de services pharmaceutiques solide dans les communautés huttériennes locales, programme qui fournit sur place des services de pharmacie clinique adaptés à la culture.
La population des collectivités rurales étant généralement plus âgée que celle des centres urbains, Mme Guenther se concentre principalement sur la gestion des maladies chroniques chez les personnes âgées. Son intérêt pour la médecine gériatrique l’a incitée à devenir pharmacienne gériatrique accréditée (Board-Certified Geriatric Pharmacist (BCGP)) par le Board of Pharmacy Specialties (États-Unis) en décembre 2019. Elle préside actuellement le Long-Term Care Ambassador Group de Neighbourly Pharmacy. Ce groupe de travail crée des ressources pour la gestion des relations avec la clientèle, les services pharmaceutiques consultatifs et l’amélioration continue de la qualité dans les établissements de soins de longue durée et les résidences avec services.
La pandémie de COVID-19 a incité Mme Guenther et à son équipe à faire preuve de créativité dans l’administration des vaccins. Tout au long de 2021 et 2022, son équipe a offert des dizaines de cliniques de vaccination de masse ailleurs qu’à la pharmacie. Elle a élaboré avec son équipe des stratégies pour gérer le flux de travail et donner la priorité à la sécurité, tout en veillant à ce que le confort des patients reste prioritaire. Au cours de cette période, Mme Guenther et son équipe ont administré des milliers de doses de vaccins contre la COVID et contre la grippe, faisant ainsi leur part pour assurer la protection de collectivités du Sud-Ouest de la Saskatchewan.
Questions et réponses
Nous avons rencontré Jaelee Guenther pendant la Semaine nationale de promotion de la vaccination pour parler de sa pratique et du rôle important que jouent les pharmaciens dans la vaccination de leurs collectivités.
Quel est l’élément le plus gratifiant dans votre exercice de la pharmacie?
C’est une incroyable leçon d’humilité de servir la collectivité qui m’a élevée. Exercer dans une petite ville me permet de mieux connaître personnellement mes patients. Je suis tellement touchée de les entendre dire combien ils ont confiance dans mon jugement clinique. De plus, notre personnel s’occupe de patients dans une vaste région géographique. Il est important pour moi que des personnes âgées puissent rester dans leur collectivité parce qu’elles ont accès à des soins de santé de qualité. En m’investissant dans mes patients, non seulement les résultats sont meilleurs pour eux, mais ma satisfaction en tant que prestataire de soins est plus grande.
Quels domaines de pratique clinique ou de représentation de la profession en particulier vous intéressent et pourquoi?
Il est important pour moi de militer pour un champ d’exercice élargi. Nous manquons de médecins dans tout le pays, mais surtout dans les régions rurales et éloignées. Les pharmaciens ont les connaissances et les compétences nécessaires pour combler ces lacunes, que ce soit par des tests au point de service ou dans la gestion de maladies chroniques. Évidemment, cela veut dire que nous devons aussi militer pour une juste rémunération, en sachant que le modèle de remboursement traditionnel ne sera pas tenable si on nous demande d’en faire plus.
Selon vous, dans quel domaine de pratique les pharmaciens pourraient-ils jouer un rôle accru et, ainsi, contribuer à de meilleurs résultats pour les patients?
Mieux vaut toujours prévenir une maladie que d’avoir à la soigner. La protection individuelle et collective continue contre des maladies évitables grâce aux vaccins est essentielle. Mais nous pouvons aussi faire mieux pour ce qui est de parler à nos patients de mesures non médicamenteuses, comme l’alimentation, l’exercice et les possibilités de nouer des liens et d’améliorer la santé mentale. Je pense que nous verrons aussi l’intégration de plus d’outils de dépistage dans l’exercice de la pharmacie à l’avenir. Nous voulons être proactifs, pas réactifs, dans notre approche des soins.
Quelle est la chose que vous aimeriez que tous les patients sachent à propos de ce que les pharmaciens peuvent faire?
En milieu rural, la question pourrait être la suivante : « Quelle est la chose que vous aimeriez que vos patients sachent que vous ne pouvez pas faire? » Parce que nous sommes accessibles, nous sommes vraiment le premier point de contact de beaucoup de personnes dans le système de santé. Je pense que nos patients savent que nous faisons des examens de médication, que nous prescrivons pour des affections mineures et que nous prescrivons et administrons des vaccins, entre autres. Nous sommes fiers d’être membres à part entière de l’équipe de soins primaires, et nos patients savent qu’ils peuvent compter sur nous pour les guider dans le système de santé. Les organismes qui nous représentent font beaucoup pour obtenir l’élargissement du champ d’exercice, mais je crois que nous pouvons mieux informer nos patients de nos limites afin qu’ils réclament un changement à nos côtés.
Qu’est-ce qui vous rend fière d’être pharmacienne?
Tellement de choses! Les relations enrichissantes que nous entretenons avec nos patients. La valeur que nous ajoutons au système de santé. Le fait d’être là pour les patients, et pas seulement dans les épreuves. Cependant, si je repense aux trois dernières années, je crois que je suis surtout fière de l’incroyable adaptabilité de notre profession. La pandémie nous a mis au défi de repousser des frontières et de travailler de façons que nous n’aurions jamais cru possibles. Dans notre pharmacie, nous avons appris à fournir un service virtuel et nous avons géré dans un autre lieu des dizaines de cliniques de vaccination de masse. Alors que le système de santé connaît des difficultés, on nous demande de combler des lacunes et d’élargir notre champ d’exercice. Les demandes supplémentaires nous mettent à rude épreuve, mais nous continuons de surmonter l’adversité, de nous soutenir mutuellement et de prouver que nous pouvons faire plus.
La dernière semaine d’avril est la Semaine nationale de promotion de la vaccination. Selon vous, pourquoi les pharmaciens sont-ils bien placés pour jouer un rôle essentiel dans la vaccination dans leurs collectivités?
Jour après jour, les pharmaciens sont en première ligne. Les ressources en santé publique sont limitées, mais les pharmaciens peuvent beaucoup faire pour assurer une administration des vaccins équitable pour tous les patients. Notre accessibilité est importante non seulement pour l’administration même des vaccins, mais aussi pour une sensibilisation et une mobilisation accrues. Nous ne pouvons pas nier qu’il est important de nouer de bonnes relations avec nos patients pour pouvoir vaincre les hésitations à se faire vacciner. Bien des patients nous voient au moins une fois par mois. Les occasions de nouer des relations de confiance sont donc bien plus nombreuses qu’avec d’autres fournisseurs de soins de santé. Il me semble, enfin, que nous avons prouvé que l’administration des vaccins par les pharmaciens est très économique pour notre système de santé.
Avez-vous des conseils pour les pharmaciens qui souhaitent jouer un plus grand rôle dans l’immunisation et la vaccination pour leurs patients?
- Faites en sorte qu’il soit normal de parler des vaccins dans votre pratique quotidienne : Prenez le temps de parler avec vos patients de leur statut vaccinal lors de tous les examens de médication et examinez aussi le statut vaccinal des patients à risque qui viennent de recevoir un diagnostic de maladies chroniques telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive et le diabète.
- Organisez et synchronisez le flux de travail de votre pharmacie : Exercer dans une pharmacie de détail peut avoir des côtés imprévisibles, mais il est possible de structurer le flux de travail de manière à être plus efficace et à soutenir les services cliniques. Dans ma pharmacie, nous utilisons la synchronisation des renouvellements et l’exécution d’ordonnances par lots pour que nos horaires soient plus prévisibles. Cela nous permet d’offrir des services d’injection pendant les périodes moins occupées ou d’avancer dans des tâches à l’approche d’une clinique de vaccination de masse. Cela favorise aussi la sécurité, car nous pouvons mieux nous concentrer sur différentes tâches.
- Prenez le temps de comprendre ce qui fonctionne le mieux pour votre collectivité : L’aspect pratique et l’accessibilité sont essentiels pour améliorer l’utilisation. L’espace est très limité à l’avant de notre pharmacie. Il est donc devenu évident pendant la pandémie que nous ne pourrions jamais y vacciner en toute sécurité des milliers de patients. Nous nous sommes montrés créatifs et avons loué une grande salle pour des cliniques de vaccination contre la grippe et contre la COVID. Cela nous a permis d’avoir plusieurs salles d’injection, d’avoir largement assez d’espace pour la distanciation sociale et d’accueillir des personnes sans rendez-vous ou sur rendez-vous, selon la préférence des patients.
- Adoptez la technologie : Il existe différentes applications Web qui peuvent aider votre équipe à organiser les rendez-vous. Notre pharmacie utilise MedMe, application qui permet aux patients ou aux employés de la pharmacie de prendre des rendez-vous dans des périodes réservées. Les options sont nombreuses. Il faut donc faire sa recherche pour trouver ce qui convient le mieux à sa pratique!
- Collaborez avec les équipes de santé publique locales : Nous prenons le temps de parler avec nos infirmières de la santé publique des prochaines campagnes de vaccination. Nous coordonnons les dates des cliniques afin que les patients aient le meilleur accès possible, et nous parlons aussi des problèmes et des pratiques exemplaires à l’échelle locale.
- Les annonces sont essentielles : Nous annonçons à l’avance les dates des cliniques en utilisant du matériel publicitaire d'accompagnement, Facebook ou notre journal local.
- Utilisez tout le potentiel de votre équipe : Les cliniques de vaccination de masse ne sont possibles que si tous les membres de l’équipe font leur part. Autrement dit, il faut s’assurer que les assistants ont suivi la formation voulue pour bien facturer les frais de vaccination, utiliser des vaccinateurs non traditionnels, comme des étudiants universitaires ou des techniciens agréés, dans la mesure du possible, et veiller à ce que tous les employés soient formés aux protocoles de prise de rendez-vous. J’ai une équipe formidable et je lui suis infiniment reconnaissante.