Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Helen Ali
Helen Ali, RPh (elle)
Pharmacienne
Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest)
Nous avons rencontré Helen à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs pour discuter de l’importance des soins pharmaceutiques inclusifs.
Helen Ali a obtenu son baccalauréat en pharmacie en 2000 à l’Université de Jos (Nigéria), et sa maîtrise ès sciences en pharmacologie en 2009 à l’Université Ahmadu Bello (Nigéria). Peu après avoir obtenu sa maîtrise, elle a immigré au Canada avec sa famille. Pour pouvoir exercer sa profession de pharmacienne, elle a suivi le programme des diplômés étrangers en pharmacie de l’Université de Toronto, jonglant entre son adaptation à la vie dans un nouveau pays et l’éducation de ses trois jeunes enfants. Elle a obtenu son permis d’exercer au Canada en 2013. Peu après, elle a commencé à travailler au Shoppers Drug Mart de Woodbridge (Ontario). Elle a atteint le poste de gérante de la pharmacie. Après avoir occupé ce poste pendant huit ans, elle a été embauchée au Walmart de Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest), où elle exerce actuellement.
Questions et réponses
Quelle est la première chose qu’un pharmacien peut faire pour créer un espace sûr et inclusif pour les membres de la communauté noire?
Je crois que la représentativité au sein de la profession est le premier pas pour créer un espace sûr et inclusif pour les membres de la communauté noire. Le fait d’être capable d’aider des patients qui ont peut-être eux aussi immigré d’un pays à majorité noire me permet de mieux comprendre leur situation et leurs questions et préoccupations ou les éclaircissements dont ils ont besoin. Je crois qu’en tant que pharmacienne noire, je peux apporter, surtout aux patients noirs de ma collectivité, l’expérience précieuse d’être écoutés par une personne à laquelle ils peuvent s’identifier.
Pourquoi est-il important de fournir des soins de santé inclusifs, surtout dans les pharmacies?
Il est essentiel de proposer des soins de santé inclusifs dans une pharmacie, car cela met les patients plus à l’aise. Les soins sont ainsi fournis en tenant compte des différences culturelles, ce qui peut améliorer les résultats des patients en matière de santé et faire de la pharmacie un lieu de soins qui inspire la confiance. Quand les patients se sentent représentés, et surtout quand ils peuvent s’identifier au pharmacien ou à la pharmacienne, en tant que femme, membre de la communauté noire ou par rapport à d’autres points que nous pourrions avoir en commun, ils tendent à accorder plus d’attention aux conseils et avis que nous leur donnons. Cela réduit les risques de malentendu et permet d’éviter les problèmes de santé qui pourraient découler de ces malentendus.
Comment les pharmaciens peuvent-ils militer davantage en faveur de l’inclusivité des soins de santé, surtout pour la communauté noire?
En premier lieu, il faut améliorer le rôle et la visibilité des pharmaciens noirs dans les différents secteurs de la profession, que ce soit au sein des industries, des hôpitaux, des commerces de détail ou des organes de réglementation. La diversité et l’inclusion devraient être visibles dans la composition des membres de l’équipe, dans tous les milieux de travail de la pharmacie, dans chaque secteur.
En deuxième lieu, nous devons reconnaître qu’en raison d’une inégalité économique, de la barrière de la langue ou de la discrimination raciale, les patients de couleur bénéficient rarement de la même qualité de soins que les patients blancs. En tant que fournisseurs de soins de santé que les patients voient et rencontrent très souvent, les pharmaciens peuvent améliorer les résultats en matière de santé des patients de couleur en mettant l’égalité des soins au cœur de leur mission.
L’une des raisons pour lesquelles les patients de couleur peuvent ne pas recevoir les soins dont ils ont besoin est que ces patients ne se sentent pas à l’aise pour parler de leurs préoccupations aux professionnels des soins de santé. Peut-être que ces personnes ont reçu un mauvais accueil de la part d’un fournisseur de soins de santé ou qu’elles ont entendu parler de mauvaises expériences vécues par d’autres membres de leur communauté. Tout cela conduit à une perte de confiance. C’est pourquoi il est très important d’avoir des membres diversifiés dans les équipes pharmaceutiques de tous les secteurs de la profession. Les patients peuvent être plus enclins à parler de leurs besoins en matière de santé avec des pharmaciens qui leur ressemblent ou qui parlent comme eux.
Peu importe qui sert les patients, les soins doivent être fournis sans porter le moindre jugement et avec respect. Il est essentiel que les pharmaciens fassent preuve de souplesse dans leur communication et tiennent compte des différences culturelles en matière de comportement.
Quelle est la plus grosse erreur commise par les fournisseurs de soins quand ils s’occupent de patients noirs et comment peuvent-ils s’améliorer?
Une erreur fréquente et préjudiciable commise par les fournisseurs de soins de santé qui s’occupent de patients noirs est de sous-estimer la douleur ou les symptômes de ceux-ci. De nombreuses études ont montré que les fournisseurs de soins de santé sont plus susceptibles de sous-estimer les niveaux de douleurs des patients noirs par rapport aux patients de toutes les autres races. Cela a des répercussions négatives manifestes sur la qualité des soins fournis à la communauté noire. Je crois que la première étape pour lutter contre ce problème est de proposer des formations visant à éliminer les idées reçues et les préjugés fondés sur les stéréotypes afin que les fournisseurs de soins de santé fassent constamment des efforts conscients pour empêcher que leurs propres idées reçues conduisent à un abaissement de la qualité des services pharmaceutiques qu’ils fournissent à la communauté noire.
Les fournisseurs de soins de santé doivent toujours garder à l’esprit que les personnes noires font partie des minorités qui sont sous-représentées dans les essais cliniques. Les traitements qui sont efficaces pour les patients blancs n’ont pas nécessairement les mêmes résultats pour les patients noirs, raison pour laquelle il est important de bien communiquer avec ces derniers à propos de leur pharmacothérapie.
Les fournisseurs de soins de santé doivent aussi savoir que l’observance thérapeutique est souvent plus faible dans la communauté noire que dans les communautés majoritairement blanches. Des études montrent que des séances de counseling en face à face aident les patients à comprendre leur traitement et donc à améliorer l’observance thérapeutique.
Une meilleure observance thérapeutique contribuera énormément à améliorer la santé des personnes noires. Cependant, hélas, il est avéré que les personnes de couleur sont plus susceptibles que les patients blancs de mourir d’une maladie cardiovasculaire, d’un accident vasculaire cérébral, d’un cancer, de l’asthme, de la grippe, d’une pneumonie, du diabète et du VIH/Sida. Les pharmaciens qui connaissent ces tristes faits sont mieux à même de fournir des soins adaptés sur le plan culturel, par exemple en proposant des occasions de dépistage, en menant plus d’actions de sensibilisation ou en collaborant avec les médecins des patients.
Quel est l’aspect le plus gratifiant de votre travail en pharmacie?
L’aspect le plus gratifiant de mon travail a toujours été de voir mes patients aller mieux et de lire cette expression de sincère gratitude sur leur visage lorsque l’on répond à leurs besoins. J’aime aider les gens du mieux que je peux en tant que pharmacienne, et j’espère continuer ainsi, en proposant une qualité de service encore meilleure.
Avez-vous d’autres commentaires à ajouter à propos de votre travail ou de tout autre sujet qui est important pour vous?
Il est très révélateur de voir que, cette année, les pharmaciens noirs sont mis à l’honneur par un projet lancé par Mary Adegboyega. Cette initiative est formidable, car elle souligne qu’il y a des pharmaciennes et des pharmaciens noirs partout au Canada, que nous jouons un rôle déterminant, et que nous contribuons de manière positive au système de soins de santé du pays.
Je me souviens que quand j’étais préceptrice en Ontario et que je travaillais avec des étudiants ou des internes qui avaient une autre origine ethnique que la mienne, certaines personnes, surtout des patients, supposaient que le pharmacien était l’interne ou l’étudiant blanc et s’adressaient d’abord à lui, avant de finalement être réorientés vers moi, qui étais la pharmacienne responsable. Ce type de supposition découle d’un préjugé racial inhérent. Les initiatives de sensibilisation comme celle-ci montrent aux gens que la profession de pharmacien n’est pas exercée exclusivement par des personnes blanches, mais aussi par des personnes noires, contribuant ainsi à résoudre le problème du racisme systémique.