Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Christine Amoko
Christine Amoko (elle)
Étudiant en pharmacie
Université de la Saskatchewan, promotion 2024
Winnipeg (Manitoba)
Christine est doctorante en pharmacie à l’Université de la Saskatchewan. Avant d’entamer ses études en pharmacie, elle a obtenu un baccalauréat ès sciences avec spécialisation en biochimie à l’Université de Winnipeg. Arrivée au Canada en tant que réfugiée, elle a été témoin et victime de racisme systémique et individuel. Ces expériences ont renforcé sa volonté et sa motivation d’entrer dans le système de soins de santé et l’ont poussée à militer encore plus énergiquement en faveur de l’inclusivité dans tous les aspects des soins de santé. Elle souhaite exercer son métier en mettant les principes d’équité et de diversité au centre de sa pratique. Christine espère ouvrir un jour une pharmacie ou un centre de soins primaires qui se concentrera sur les inégalités en matière de santé que subissent les personnes autochtones, noires et de couleur afin de fournir à celles-ci des services adéquats de soins, de prévention et d’éducation dans un espace sûr.
Questions et réponses
Nous avons rencontré Christine à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs pour discuter de l’importance des soins pharmaceutiques inclusifs.
Pourquoi est-il important de fournir des soins de santé inclusifs, surtout dans les pharmacies?
Je vais vous répondre par une question. Comment pouvez-vous faire confiance à une personne qui ne vous ressemble pas? Ou comment avoir confiance en un lieu où personne ne vous ressemble? Si les patientes et les patients n’éprouvent aucun sentiment de familiarité, ils ne se sentiront ni bienvenus ni respectés. Ces expériences viennent de la manière dont notre société est façonnée. La plupart du temps, les patients d’un groupe minoritaire vivent une seule mauvaise expérience dans le système de soins de santé et ces sentiments suscitent de la défiance envers toutes les personnes qui travaillent dans ce système.
Pour que les soins de santé soient inclusifs, chaque personne, indépendamment de son âge, de son sexe, de son ethnie et de son genre, entre autres facteurs, doit pouvoir accéder en toute équité aux services et aux ressources de santé. C’est très important dans une pharmacie, car cela garantit que non seulement les patients sont traités avec respect et dignité, mais aussi qu’ils ont une totale autonomie en ce qui concerne leur santé. Pour que les pharmaciens puissent fournir des soins de santé inclusifs, ils doivent comprendre que leurs patientes et patients sont uniques et viennent d’horizons différents, et ils doivent personnaliser les services qu’ils fournissent en conséquence. De plus, ils doivent pouvoir défendre énergiquement les intérêts de leurs patients en tenant compte des différences individuelles de ceux-ci. Ils doivent connaître les autres cultures et en tenir compte et ils doivent comprendre et remettre en cause les préjugés qu’ils pourraient avoir, de façon consciente ou inconsciente. Quand une pharmacie propose des soins de santé inclusifs, l’ensemble de ses patientes et patients reçoivent les meilleurs soins possibles, obtiennent de meilleurs résultats en matière de santé et nouent une relation de confiance avec son personnel.
Comment les étudiantes et étudiants en pharmacie peuvent-ils contribuer à améliorer l’inclusivité des soins?
D’après mon expérience vécue lorsque j’accompagnais mes parents immigrants chez le médecin, j’ai constaté que leurs problèmes de santé n’étaient pas pris au sérieux et étaient souvent méconnus. Du personnel administratif au personnel infirmier et médical, le ton employé pour parler à mes parents était condescendant et leur donnait l’impression d’être méprisés. En tant qu’étudiante en pharmacie, je crois que j’ai la responsabilité de toujours les défendre, de militer pour leurs intérêts et de veiller à ce qu’ils reçoivent des soins appropriés.
Au niveau de la collectivité, nous, étudiantes et étudiants en pharmacie, devons contribuer à améliorer l’inclusivité des soins pour les personnes noires en nouant un dialogue constructif avec les patientes et patients noirs et avec leurs familles à propos de leurs besoins de santé. Cela ne peut se faire qu’en instaurant un environnement sûr et bienveillant. Nous devons œuvrer pour accroître la sensibilisation et défendre les intérêts des personnes noires en exprimant haut et fort les problèmes et les défis que rencontrent ces personnes pour accéder aux soins de santé. En outre, nous devons participer aux initiatives d’éducation et de sensibilisation qui ont lieu dans notre collectivité afin de mieux comprendre l’importance des soins de santé inclusifs pour tous les patients. Enfin, nous devons nous allier à d’autres professionnels de la santé pour militer en faveur de changements de politiques qui contribueront à la mise en place de soins de santé inclusifs.
Au niveau institutionnel, nous pouvons exercer des pressions politiques afin de faire modifier les programmes d’études dans le domaine de la pharmacie et des soins de santé, en introduisant par exemple des cours ou une formation obligatoires sur la lutte contre le racisme.
Qu’avez-vous hâte de faire dans votre future carrière de pharmacienne?
J’ai surtout hâte de devenir préceptrice et de servir d’exemple pour les nouveaux étudiants noirs qui embrassent la profession! J’ai hâte de partager mes expériences d’étudiante avec eux et de participer à leur formation. L’Association des étudiants noirs en pharmacie de l’Université de l’Alberta m’a formidablement bien accompagnée pendant mes études en pharmacie, et j’ai entendu dire que l’Association des étudiants noirs en pharmacie de l’Université de Toronto faisait un travail remarquable afin d’améliorer la vie des étudiantes et étudiants noirs. J’espère que, quand je commencerai à exercer, il y aura des associations d’étudiants noirs dans toutes les écoles de pharmacie du pays. Enfin, j’aimerais assister et participer à la création d’une association de pharmaciens noirs et d’une association d’étudiantes et d’étudiants noirs en pharmacie d’envergure nationale, à l’instar de l’Association canadienne des étudiants noirs en médecine et de la Black physicians of Canada (l’association des médecins noirs du Canada) qui permettraient aux étudiants et aux pharmaciens noirs de créer un réseau social, d’apprendre, de s’entraider, de fournir du mentorat, de se guider et se défendre mutuellement.
Souhaitez-vous ajouter d’autres commentaires?
[Traduction libre] « On ne peut pas être ce que l’on ne voit pas » (Marian Wright Edelman). C’est ce que j’ai ressenti pendant la majeure partie de mes études en pharmacie, que ce soit à l’école ou au travail. J’ai rarement vu d’autres personnes noires à l’école, ou même des pharmaciens noirs. C’est ce que j’ai vécu dans le système éducatif canadien durant toute ma vie. La première fois où j’ai eu un professeur noir, c’était pendant ma troisième année de premier cycle. J’ai été victime de microagressions et de discriminations manifestes, tant de la part de patients que de collègues. D’après mon expérience, le racisme, surtout celui envers les Noirs, est un sujet qui met mal à l’aise. Donc, on n’en parle pas. Même pendant les cours sur les traitements et la pharmacologie, la plupart des images montrent des personnes blanches et il est donc difficile de diagnostiquer et de caractériser une maladie chez une personne noire. Il y a un manque de représentativité au sein du personnel et du corps étudiant, ainsi qu’un manque de soutien pour les étudiantes et étudiants qui sont victimes de racisme individuel ou institutionnel. La représentativité est très importante pour modifier le statu quo. Elle permet aux personnes noires de croire que non seulement elles peuvent devenir pharmacienne ou pharmacien mais aussi qu’elles pourront occuper des postes de pouvoir dans le secteur des soins de santé. L’année dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer une pharmacienne noire (Anu Okunku) et de travailler avec elle. C’est une personne extraordinaire et une pharmacienne d’hôpital tout aussi extraordinaire. J’aimerais être comme elle quand je commencerai ma carrière.