Canadian Pharmacists Association
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Le point sur la pharmacie : Rencontre avec Afomia Gebre

 

Afomia Gebre headshot

Afomia Gebre, BSc (Pharm), ACPR (elle)
Pharmacienne clinicienne
Ottawa, ON

Afomia Gebre a obtenu son diplôme du Collège de pharmacie de l’Université Dalhousie en 2020 et a ensuite fait sa résidence en pharmacie en milieu hospitalier auprès de Santé Nouvelle-Écosse. Pendant sa résidence, elle a réalisé une étude sur les expériences des Néo-Écossais de race noire avec les pharmaciens communautaires intitulée Understanding the Experiences of Black Nova Scotians with Community Pharmacists. Elle a aidé à lancer le premier comité de la diversité et de l’équité du Collège de pharmacie, s’est rendue au Ghana en qualité de déléguée de l’African Youth and Convergence Conference (AYGC) dont elle a présidé le Comité de la santé. Elle a aussi, par l’intermédiaire de diverses organisations, travaillé comme mentore et tutrice de jeunes issus de la diversité. Après avoir passé neuf mois à l’emploi de l’hôpital général Qikitani à Iqaluit, Afomia Gebre travaille maintenant dans une pharmacie d’hôpital en Ontario.

Questions et réponses avec Afomia

Parlez-nous de la campagne « A Black History to Remember 2023: The Canadian Pharmacy Edition ». De quoi s’agit-il et pourquoi est-elle importante?

Une de mes très bonnes amies et collègues, Mary Adegboyega, m’a parlé d’un projet sur lequel elle travaillait. Le Mois de l’histoire des Noirs est une occasion de réfléchir, mais aussi de célébrer et l’objectif de cette campagne est de célébrer la contribution des professionnels de race noire au monde pharmaceutique. Elle invite aussi les pharmaciens à échanger des connaissances sur l’état de maladies qui affectent de façon disproportionnée les personnes de race noire et des conseils sur la manière de soutenir au mieux les collectivités que nous desservons. Cette campagne est juste un début. Je pense qu’à l’avenir, nous aurons beaucoup plus de projets comme celui-ci auxquels pourront prendre part un nombre grandissant de personnes.

Quelle est la première chose que peuvent faire les pharmaciens pour créer un milieu sûr et inclusif dans lequel les membres de la communauté noire se sentiront bien accueillis?

La première chose à faire, à mon avis, est de s’éduquer et d’éduquer les autres. Avant de commencer à créer un milieu sûr et inclusif, il est important de comprendre pourquoi ces milieux sont nécessaires. Autrement dit, il faut comprendre les conséquences du racisme et de la discrimination sur la santé.

L’éducation nous aide à prendre conscience de nos éventuels préjugés et du racisme que nous avons pu internaliser sans en avoir conscience, ce qui fait que nous risquons moins les micro-agressions auprès de nos patients de race noire. Elle nous outille aussi pour prodiguer des soins qui tiennent compte des traumatismes. Enfin, elle nous donne les clés pour reconnaître les manifestations de racisme si fréquentes dans notre système de santé. Par exemple, avez-vous jamais pensé à la raison pour laquelle nous sommes si à l’aise à l’idée de diagnostiquer une maladie dermatologique chez des patients de race blanche par opposition aux patients de race noire? Au fait qu’on ne nous apprend pas d’autres mots qu’« érythème » ou « rougeur » pour parler de troubles dermatologiques, même si les rougeurs en question ne se voient pas sur toutes les couleurs de peau?

Ce n’est ni facile ni confortable d’être un allié ou une alliée. Cela nous oblige à prendre conscience des pouvoirs et des privilèges dont nous avons hérités de notre culture. Il n’existe pas de recette toute faite pour apprendre à devenir un allié ou une alliée, mais il y a toujours moyen de mieux s’informer :

  • L’humilité culturelle : Pensez à la personne que vous êtes et comment vous en êtes arrivé à avoir la vision du monde qui est la vôtre. Réfléchissez à ce que vous avez pu faire qui a contribué au caractère discriminatoire des systèmes.
  • Éducation : C’est à vous qu’incombe la responsabilité de vous informer. Ce n’est pas juste d’attendre des personnes de race noire qu’elles vous informent et encore moins qu’elles le fassent gratuitement.

Quel aspect de votre travail en pharmacie trouvez-vous le plus gratifiant?

Je pense que, dans mon travail, l’un des aspects le plus gratifiant est d’avoir la possibilité d’améliorer la relation des patients des groupes en quête d’équité avec leurs pharmaciens. Cette profession me permet de satisfaire ma passion pour le travail clinique et mon désir non moins profond d’améliorer les soins en éliminant le racisme systémique dans toutes ses formes dans ma pratique pharmaceutique.

Quels sont les domaines qui vous intéressent en particulier dans votre pratique clinique et dans votre action politique et sociale, et pourquoi?

Ce qui m’intéresse en pharmacie est d’améliorer les soins aux patients en ayant conscience des problèmes de racisme et de discrimination systémiques qui se présentent sous toutes sortes de formes dans la pratique pharmaceutique, en les dénonçant et en les éliminant. J’ai expérimenté la pharmacie en tant que patiente, étudiante et maintenant pharmacienne de race noire. Peu importe les circonstances, j’ai vécu le racisme et la discrimination. Je suis bien placée pour comprendre à quel point il est important d’offrir des services vraiment sûrs et équitables, axés sur le patient.

Pourquoi la diversité et l’inclusion sont-elles importantes dans les soins pharmaceutiques?

Elles sont importantes parce que la pharmacie est appelée à soigner des gens de toutes races et ethnies, de tous âges et de tous genres, et qu’elle a donc intérêt à s’ouvrir aux expériences et aux antécédents variés. La diversité et l’inclusion signifient aussi que les patients se reconnaissent en leurs prestataires de soins. Cela dit, il ne faut pas penser que les termes diversité et inclusion sont interchangeables. Sans inclusion, la diversité n’est qu’un mot vide de sens.

Quelle chose est particulièrement importante quand on défend l’équité et la diversité?

À mon avis, une chose importante et dont on parle peu est la nécessité de faire preuve d’humilité sur le plan culturel. Ce que j’appelle l’humilité culturelle est le processus de réflexion personnelle et d’autocritique qu’on fait toute sa vie. C’est le fait d’être conscient de ses propres biais. C’est comme quand on conduit. Toutes les voitures ont des angles morts, c’est inévitable, mais sachant cela, on peut vérifier nos rétroviseurs et tourner la tête avant de changer de voie. Dans notre cas, les angles morts sont les biais que nous avons internalisés et le fait de tourner la tête, c’est exercer son humilité culturelle. Nous avons tous des biais culturels et il nous faut en prendre conscience pour commencer à éliminer ces biais en nous-mêmes, puis dans les systèmes dans lesquels nous travaillons et vivons.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez nous dire sur ce thème?

En qualité de prestataires de soins de santé, nous avons tous un code d’éthique à respecter et comme mission de servir et de protéger le public. Or, si nous n’essayons pas activement d’éliminer les problèmes systémiques qui se manifestent dans notre profession, alors nous ne pouvons dire en toute honnêteté que nous respectons notre code.

  • La non-malfaisance : Empêchons-nous le mal quand nous ne comprenons pas vraiment de quelle manière nous faisons du mal aux membres des groupes en quête d’équité?
  • La bienfaisance : Remplissons-nous nos rôles fondamentaux de professionnels au service de la société quand nous continuons de défendre un système créé pour faire du bien à certaines personnes et pas à d’autres?
  • Respect d’autrui et justice : Traitons-nous tous nos patients avec justice, équité et respect si nous ne leur fournissons pas des soins historiquement éclairés et culturellement sûrs?
  • Fidélité : Agissons-nous dans le meilleur intérêt de nos patients et de la société si nous ne travaillons pas activement à mobiliser les membres de la profession afin qu’elle embrasse les principes de l’équité, de la diversité et de l’inclusion?

Si la diversité du public que nous servons, de ses intérêts et de ses points de vue n’est pas représentée dans les instances qui prennent les décisions concernant notre profession ou ayant des conséquences pour elle, faisons-nous notre part pour protéger le public dans son ensemble ou protégeons-nous seulement les membres du public qui nous ressemblent?