Décrypter les bouleversements actuels : l'APhC organise un sommet national sur le leadership en pharmacie
Alors que la pharmacie fait face à des changements transformationnels sur le plan des technologies, des attentes des patients et des politiques de santé, l’Association des pharmaciens du Canada (APhC) a organisé, le 4 juin 2025, un sommet national sur le leadership afin de tracer la voie vers l’avenir. Ce sommet, intitulé Pharmacy Disruptors 2030, a rassemblé des chefs de file de la pharmacie, des innovateurs, des représentants d’organes de réglementation et des professionnels de la santé afin de discuter des forces qui refaçonnent les soins de santé canadiens et du rôle essentiel que les pharmaciens doivent jouer pour gérer ces changements.
De l’intelligence artificielle aux soins centrés sur le consommateur, en passant par la réforme des gestionnaires de soins pharmacothérapeutiques, le programme de ce sommet portait sur les principales forces perturbatrices qui agiteront le monde de la pharmacie dans le cadre de conférences et de débats sur les difficultés et les possibilités qui façonneront les cinq prochaines années.
Ouverture sur une vision : la profession passe à la vitesse supérieure
Dans son allocution d’ouverture, Annette Robinson, présidente du conseil d’administration de l’APhC, a accueilli les participants en affirmant que la profession se devait de piloter le changement et non de le subir. Elle a mis en exergue les principales actions de défense des intérêts de l’APhC, comme la plainte déposée auprès du Bureau de la concurrence contre Express Scripts Canada, et annoncé le lancement du National Pharmacy Business Council, qui vise à instiller une plus grande dimension économique à la stratégie nationale sur la pharmacie.
Elle a affirmé ce qui suit : « À l’APhC, notre travail consiste à unir les membres de la communauté des pharmaciens afin qu’ils comprennent ce qui va arriver, et comment nous allons réagir, ensemble ».
Le PDG de l’APhC, Glen Doucet, discute avec Nick Neuheimer (Association canadienne des radiologistes), Jeff Nagge (Université de Waterloo), Joshua Liu (SeamlessMD) et Colin Lachance (LawQi) à propos de l’intelligence artificielle et des leçons apprises dans ce domaine par tous les autres secteurs.
Intelligence artificielle : promesses, pragmatisme et confiance du public
L’intelligence artificielle (IA) a largement dominé les discussions de la journée, qu’il soit question de la transformation de la population active ou de l’aide à la prise de décisions cliniques en temps réel. Les dirigeants de MedMe Health, de MedEssist et de PharmaGuide ont décrit des innovations visant à libérer du temps pour les pharmaciens et à améliorer les soins. Cependant, les conférenciers ont également mis en garde contre l’optimisme aveugle envers la technologie.
Leur consensus? L’IA ne remplacera jamais le jugement clinique. Son pouvoir réside dans sa capacité à aider, et non à remplacer, les cliniciens, en facilitant la réalisation de tâches qui nécessitent beaucoup de temps, présentent de faibles risques et comportent une lourde charge de travail.
Heidi Wittke (Rexall) anime une discussion entre Nick Hui (MedMe Health), Faddy Morgan (PharmaGuide) et Michael Do (MedEssist) à propos de l’intégration de l’intelligence artificielle dans le flux de travail en pharmacie.
L’un des principaux points à retenir des nombreuses séances est la nécessité d’avoir une infrastructure nationale en santé pour l’intelligence artificielle (IA) afin que l’intégration de celle?ci soit sûre, éthique et efficace. À mesure que l’IA joue un rôle plus visible dans les soins de santé, il est essentiel que le public lui fasse confiance. Cela nécessitera une communication transparente, un engagement réel et une approche axée sur le patient.
Du patient au consommateur : la nouvelle frontière pour la pharmacie
Les Canadiens ne sont plus seulement des patients : ils sont des consommateurs de la santé. Ce constat ressort des données d’un sondage présentées par Eddie Sheppard (Abacus Data), qui montrent une demande grandissante pour des soins rapides, personnalisés, accessibles numériquement, et avec une dimension humaine.
Eddie Sheppard (Abacus Data) présente une nouvelle recherche sur l’opinion publique à propos de la manière dont le changement d’attitude des consommateurs transforme les attentes à l’égard des soins de santé.
D’après M. Sheppard, 55 % des répondants utilisent des outils numériques pour gérer leur santé, et près de la moitié sont susceptibles de faire appel à des pharmacies en ligne à l’avenir. Les jeunes Canadiens sont à la pointe de ce changement, puisque 47 % des 18 à 44 ans font confiance à l’IA en ce qui concerne les informations sur la santé, contre seulement 23 % des 60 ans et plus.
Cependant, la confiance dans les outils numériques repose quand même sur la surveillance humaine :
- 29 % souhaitent pouvoir accéder à un humain afin de poser des questions;
- 28 % préfèrent que des professionnels agréés surveillent le contenu proposé par l’IA;
- 22 % privilégient les outils provenant de plateformes fiables.
Dans cette séance rassemblant des représentants de PocketPills, McKesson, et Jones Healthcare Group, les conférenciers ont discuté de ce que la pharmacie devait faire pour s’adapter au « cliqué-retiré », à la communication virtuelle et aux stratégies donnant priorité au numérique, sans pour autant compromettre la relation entre le pharmacien et son patient. Les consommateurs de la santé veulent de la rapidité, de la personnalisation, des soins à la demande, la souplesse numérique et un lien authentique avec un humain. La pharmacie est idéalement placée pour mettre en œuvre ce nouveau modèle, mais seulement si la technologie sert à amplifier et non à remplacer l’expertise et l’empathie du pharmacien.
Christy Cheung anime une discussion entre James Lee (Jones Healthcare Group), Uchenwa Genus (McKesson) et Raj Gulia (PocketPills) à propos de l’évolution du parcours des patients.
Surveillance et possibilité à exploiter : les organes de réglementation donnent leur avis
Les représentants d’organes de réglementation de l’Ontario et de l’Alberta ont expliqué comment la surveillance devait évoluer pour suivre le rythme de l’automatisation et de l’adoption de l’intelligence artificielle (IA), en soulignant que l’automatisation pouvait être perçue comme un moyen d’améliorer la sécurité des patients, et pas seulement de faire des économies. D’autres ont souligné que les soins virtuels pouvaient améliorer l’accès aux soins dans les collectivités mal desservies, à condition que le tout soit mené avec discernement.
Geneviève Pelletier (Association québécoise des pharmaciens propriétaires) discute avec Monty Stanowich (Alberta College of Pharmacy) et Susan James (Ordre des pharmaciens de l’Ontario) de l’automatisation, de l’IA et des soins virtuels vus par les organes de réglementation.
Gestionnaires de soins pharmacothérapeutiques : le Canada doit ouvrir les yeux
La dernière séance de la journée a réuni Antonio Ciaccia (3 Axis Advisors), Bruce Winston (Neighbourly Pharmacy) et Joelle Walker (APhC). Antonio Ciaccia a vivement critiqué le modèle des gestionnaires de soins pharmacothérapeutiques des États-Unis, où 80 % des prescriptions passent par ces gestionnaires grâce à de « faux prix » et à un système opaque de rabais. Selon lui, « les gestionnaires de soins pharmacothérapeutiques sont trois fois plus rentables que la plupart des entreprises de taille comparable aux États-Unis ».
Joelle Walker (APhC) a fait le point sur la plainte déposée par l’APhC contre Express Scripts Canada, en expliquant que l’enquête officielle du Bureau de la concurrence représentait une étape importante dans la lutte que mène l’APhC contre les pratiques déloyales des tiers?payeurs et dans sa défense les intérêts des pharmaciens et des patients de tout le Canada.
Gagnantes de notre concours
Ce sommet a également mis à l’honneur les gagnantes du concours organisé par l’APhC sur le thème de ce Sommet : Sayeh Radpay, pharmacienne et présidente de HumanisRx, et Maya Abdul Majed, étudiante et présidente de HackRx (un marathon de programmation dans le domaine de la pharmacie pour les étudiants). Toutes deux ont été récompensées pour leur approche créative et visionnaire des soins pharmaceutiques de demain.
Appel à l’action
Afin de clôturer la journée, Annette Robinson a rappelé ce qui suit aux participants : « Nous avons passé en revue de grands concepts et remis en question des postulats. Mais notre travail ne s’arrête pas ici. Les discussions que nous avons entamées aujourd’hui doivent se poursuivre, et conduire au changement dont notre profession a besoin ».
L’APhC remercie les commanditaires qui ont rendu possible la tenue du Sommet « Pharmacy Disruptors 2030 » ainsi que l’ensemble des participants, conférenciers et orateurs qui ont contribué à rendre toutes nos discussions si enrichissantes et tournées vers l’avenir.